Visite à Kamakura pour un dialogue

J’aime beaucoup lire les histoires des gens qui vivent en France, soit Japonais(e) ou soit Français(e). Une des mes favorites est Kasumiko Murakami(村上香住子), traductrice et ancienne directrice générale de la branche parisienne du FIGARO Japon. Elle a eu l’expérience de vivre à Paris pendant plus de 20 ans et elle publie plusieurs livres concernant Paris et sa vie quotidienne dans cette ville.  

Un jour du printemps, un événement s’est tenu à Kamakura, organisé par la Société franco-japonaise de cette ville. Il s’agissait d’une rencontre entre deux intervenants, Kasumiko Murakami et Soshin Kimura(木村宗慎), professeur d’art du thé. La rencontre avait pour thème : « Kamakura, la vieille ville et l’esprit du thé ». Situé au sud-est de Tokyo, Kamakura est une ancienne capitale de la région et le théâtre d’une émission télévisée très populaire (鎌倉殿の13人) sur l’histoire de la fin du 12ème siècle où Sanetomo Minamoto(源実朝), shogun (général) de cette époque et une des personnes les plus importantes de l’histoire du thé, jouait un rôle important. 

Ces deux intervenants, amis depuis plus de 20 ans, ont développé certains aspects de l’histoire de l’art du thé, tout en partageant leurs expériences personnelles. Bien que cet événement soit destiné aux citoyens de cette ville, j’ai demandé à l’association d’y assister et reçu avec un grand plaisir une autorisation.

J’aimerais vous présenter une partie de la rencontre qui m'a particulièrement touchée.

1. Quels seraient les impacts de la voie du thé sur les étrangers ?

Mme Murakami (citéé comme “M”, et ainsi de suite ) : Selon mon expérience de 20 ans de la vie parisienne, un nombre assez important de Français présentaient un intérêt pour la culture japonaise. Cependant, quand il s’agissait de la cérémonie du thé, un problème fatal leur faisait face : la souffrance de se tenir assis les jambes pliées sur les genoux dans la salle de tatami. Malgré cette difficulté, certains Français nous ont montré un grand intérêt pour cet art, parfois même avec un sens aigu.  

Je vous présente une anecdote intéressante. Un jour, j’ai amené un ami français à une cérémonie du thé. Il a bu pour la première fois du matcha et il m’a posé une question : “Les Japonais goûtent-ils l’amertume de la vie,en buvant un bol de matcha ?” Je n’ai pas pu bien lui répondre, mais j’ai constaté que les Français et les Japonais partagent un certain sens esthétique commun concernant l'art de vie.

M Kimura (K) : Un jour de fin d’année, Mme Murakami a amené ses amies —Jane Birkin et sa fille Charlotte Gainsbourg— dans ma salle de thé à Kyoto. Généralement, les invités portent un kimono ou un costume formel, tel qu'un tailleur ou une robe. Toutefois, ce jour-là, Jane Birkin portait un T-shirt déchiré et un jeans. Alors, elle m’a dit avec un sourire : « c’est le costume le plus formel que j’ai », puisque ce T-shirt était un héritage de son pere. Cela m’a touchée, mais elle avait tout à fait raison. L’important, ce n’est pas l'apparence, mais sa volonté, c'est tout a fait l’esprit de l'art du thé.

2. Conseils pour ceux qui veulent transmettre sa culture aux étrangers

M: Je pense que les occasions de faire connaître l’art du Japon augmentent. C’est formidable, mais j'ai l'impression qu’il y a encore peu de personnes qui peuvent faire connaître cet art aux étrangers de façon attractive.

K: En effet. Un jour, on m'a demandé conseil pour effectuer une démonstration de préparation du thé en face d’un auditoire étranger. La jeune démonstratrice, revêtue d’un somptueux kimono, a procédé à la séance tout à fait correctement. Cependant, bien que les assistants étaient très curieux et que certains ont même voulu lui poser des questions, elle n’a pu oser leur répondre, faute de confiance en elle.

M : J'ai peur que l’art étranger, la cérémonie du thé en particulier, soit difficile à approfondir pour les étrangers et finissent par s’apparenter à un art exotique pour eux, faute de guides qui savent combler la curiosité des débutants… 

K : C’est dommage, mais beaucoup des pratiquants du thé ont tendance à commencer leur explication par une telle phrase formelle : « L’art du thé est une culture traditionnelle qui représente le Japon…. » Non seulement auprès des étrangers mais aussi envers des débutants japonais. C’est vraiment dommage pour moi, puisque ce type d’explication ne doit pas être intéressant ! Mon approche pédagogique est alors de faire plus de conversation. Par exemple, « pourquoi les Japonais boivent du matcha ? » « Pourquoi on s’assoit sur le Tatami ? ». Je crois que le fait d’y réfléchir ensemble est plus intéressant qu'un simple monologue unilatéral et c’est ce à quoi je fais attention lors de mon cours. 

C’était une rencontre très stimulante, effectuée par une personne qui a le sens de la vie parisienne, ma ville favorite, et de l’autre qui connaît bien la voie du thé, mon art favori également. 

En passant, il y a une anecdote du seigneur Sanetomo Minamoto dans le domaine culturel qui n'a pas été mentionnée dans les émissions : Il s'agit de sa contribution à la diffusion du thé. Ne pouvant rester sans rien faire contre ce seigneur qui souffrait de l’abus d'alcool, le moine Eisai1(栄西), à son retour de Chine, a encouragé Sanetomo à boire du thé matcha, ce qui aurait contribué à sa santé. C'est ainsi que la consommation du thé s'est répandue dans la société des guerriers.

  1. Kennin-ji, temple d'origine du Zen et du Chanoyu | (lematcha.net) ↩︎

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